Pique-nique à Telgruc pour la sauvegarde de la toponymie bretonne
10/09/2019
« Détruire la mémoire d'un peuple, c'est l'acte totalitaire par excellence » déclarait Predag Matjevicth écrivain et professeur de littérature slave dans la grande bibliothèque de Sarajevo en reconstruction le 22 juin 2001 au cours de l'émission « Bouillon de culture » de Bernard Pivot.
Une partie importante de notre mémoire collective nous est transmise par nos noms de lieux. En Bretagne,comme partout. Beaucoup de communes ont fait un travail important pour maintenir ce patrimoine à la fois linguistique, culturel et historique dans les nouvelles dénominations de rues notamment. Beaucoup d'autres, par ignorance ou négligence, voire par incitation de services comme la Poste et pour certains par volonté de faire disparaître ces marqueurs évidents d'identité bretonne, ont attribué des noms sans liens avec le territoire, effaçant ces toponymes de la mémoire collective.
Alertée par l'adoption de noms artificiels de quelques nouvelles communes issues des fusions récentes,la coordination associative culturelle Kevre Breizh a diffusé fin 2016 à tous les maires des cinq départements bretons une plaquette explicative sur l'importance de sauvegarder la toponymie bretonne.
Une sauvegarde de la diversité des langues et cultures essentielle à l'avenir de l'Humanité.
La France a ratifié la Convention de l'Unesco sur la protection du patrimoine culturel immatériel dont la langue est un vecteur. Elle a signé la disposition de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires qui prévoit l'adoption « des formes traditionnelles et correctes de la toponymie dans les langues régionales ou minoritaires ». Le Conseil de l'Europe recommande l'adoption « des formes correctes de la toponymie, à partir des langages originels de chaque territoire, si petit soit-il ».
Détruire la toponymie locale, c'est comme détruire une bibliothèque. L’utiliser pour la dénomination des nouvelles voies, c'est sauvegarder ce patrimoine.
Il n'existe pas de raison technique à l'absence de prise en compte de la langue bretonne dans son orthographe reconnue pour la dénomination des voies. Alors que les enjeux de la planète sont le respect de sa diversité, l'uniformisation linguistique sous prétexte de simplification est un pas parmi d'autres vers une société déshumanisée, hors sol. Avec la crise écologique nous savons que notre nouveau modèle doit être fondé sur l'humain avant la technique ou le prétendu « progrès » d'un système qui nous conduit au désastre. C’est ce que nous revendiquons.
Une responsabilité collective et un appel aux citoyens
La réforme territoriale a prévu que le Conseil régional a compétence « pour assurer la préservation de son identité et la promotion des langues régionales, dans le respect de l'intégrité, de l'autonomie et des attributions des départements et des communes ».
Tous les niveaux de collectivités voient ainsi leurs responsabilités engagées. Il leur appartient d'y répondre collectivement.
Nombre de collectivités ont une expérience. Des organismes comme l'Office public de la langue bretonne, géré par la Région et les cinq départements, travaillent dans ce domaine. Des citoyens et des associations ont fait un travail remarquable de recherche. Tout cela doit être mis en commun.
Aujourd'hui, un collectif pour la sauvegarde des noms de lieux bretons a été lancé avec le soutien de Kevre Breizh. Il appelle à un rassemblement pique-nique festif et solidaire sur la plage de Traezh Beleg à Télgruc, presqu'île de Crozon, le 14 septembre à 12 heures en soutien au travail réalisé par l'association locale EOST (Etudes Ouvertes Sur Telgruc – signifiant “moisson” en breton) et attend d'être reçu par le maire auquel un rendez-vous a été demandé.
Son objectif est de rassembler et de soutenir un peu partout en Bretagne une mobilisation citoyenne pour la reconnaissance et la sauvegarde du patrimoine linguistique, partie de son identité. Ce devrait être un des enjeux des prochaines échéances électorales.