"Bonreizhel eo ar c’helenn dre soubidigezh e yezhoù rannvro"
Kinnig lezenn war gwarez gladel ar yezhoù rannvro
06/04/2021
D'an 8 a viz Ebrel e vo studiet gant ar senedourien en eil lennadenn kinnig lezenn ar c'hannad Paul Molac war gwarez gladel ar yezhoù rannvro. En destenn emañ melladoù a c'hellfe kas war-raok a galz anaoudegezh ar skolioù dre soubidigezh. En un edito eus Ouest-France e tiskler Stéphanie Stoll, prezidantez Diwan hag Eskolim « eo poent bras lezenniñ hag aotre sklaer ar c'helenn dre soubidigezh e yezhoù rannvro. »
"Avez-vous déjà lu une décision du Conseil constitutionnel ? Certes, ce n’est pas la littérature la plus passionnante. Quand on s’y intéresse, cela devient, au choix, une aventure à la manière de Champollion, l’homme qui déchiffra l’écriture des pharaons, ou un cauchemar dans lequel on pense comprendre les mots mais le sens des phrases nous échappe immanquablement.
Plusieurs fois, j’ai entendu que l’enseignement de la langue bretonne tel qu’il est mené dans les écoles Diwan n’est pas constitutionnel. Bigre ! Pourtant ces écoles fonctionnent depuis 1977 en Bretagne et Seaska, leur alter ego basque s’est lancé dès 1969. Et tout cela ne serait pas constitutionnel ? Donc illégal ?
Dans la vie quotidienne, l’enseignement bilingue par immersion est tout simple : la journée, les enfants vont à l’école et l’école est en breton ou dans une autre langue régionale, cela leur offre le bain linguistique qui leur permettra d’être bilingues en breton et en français puisque le français est largement dominant dans la société bretonne. Que dit donc le conseil constitutionnel de cette démarche pédagogique un peu originale ?
Pour trouver ses décisions, j’ai dû me faire aider. Le droit et la jurisprudence, ce n’est pas simple. Il existe bel et bien trois décisions constitutionnelles abordant les langues régionales : celle sur la Corse en 1991, celle sur la loi de finances en 2002, qui concernait Diwan et celle de 2004 pour la Polynésie. Aucune ne déclare que l’enseignement immersif serait inconstitutionnel. Dans sa grande sagesse, puisque telle est l’expression consacrée, le Conseil constitutionnel a posé deux principes : primo, une loi de finances ne peut « décider du principe de l’intégration de tels établissements (Diwan) dans l’enseignement public » ; secundo, l’enseignement des langues régionales ne peut être obligatoire. Quelle belle chose en effet que l’enseignement des langues régionales ne concerne que celles et ceux qui les aiment déjà un petit peu, avant même de les connaître pleinement !
La République française est si bien faite qu’elle dispose d’un autre conseil des Sages, le Conseil d’Etat. Celui-ci a aussi été invité, en 2002, à donner son avis sur l’enseignement immersif en breton. Les conseillers d’Etat ont alors relevé que l’enseignement immersif n’était pas conforme à un article du code de l’éducation. Ils n’ont opposé aucune inconstitutionnalité et dans leur communiqué de presse, ces messieurs ont laissé entendre qu’une loi nouvelle permettrait de régulariser la situation de l’enseignement immersif.
Voilà donc où cette promenade en jurisprudence m’a conduite : dans un pays où on fait dire à la loi des choses que jamais elle n’a jamais porté. Il est temps que cesse ce tour de passe-passe. Et si ce billet ne suffira pas à convaincre nos juges suprêmes d’user d’un langage accessible au commun des mortelles, peut-être aura-t-il quelque effet pour qu’enfin cessent les sornettes et que le parlement et le gouvernement fassent ce que le Conseil d’Etat leur a suggéré il y a presque vingt ans : légiférer et autoriser explicitement l’enseignement immersif en langue régionale. C’est le bon moment, le 8 avril l’Assemblée nationale examinera une proposition de loi sur les langues régionales. Dalc’homp mat ! Tenons bon !"